Tout ira bien

Le 27 août prochain, pour leur rentrée littéraire les éditions du Cherche Midi vont publier le premier roman de Damian Barr (auteur de deux essais dont un autobiographique sur une jeunesse homosexuelle sous Thatcher). Intitulé Tout ira bien, ce roman s’articule autour de deux histoires et de deux époques en Afrique du sud. J’ai eu la chance de le lire en avant-première et voici ce que j’en ai pensé…

« Ici, les étoiles sont libres.»

Deux histoires tragiques qui ne vont pas vous rendre foi en l’humanité

Très clairement, si vous prenez le titre au premier degré et que vous espérez un peu de lueur d’espoir, passez votre chemin. Tout ira bien est un roman contant deux histoires vraiment tragiques qui rappellent combien l’humain peut être cruel envers ses semblables pour des différences aussi absurdes qu’une couleur de peau, qu’une origine ou qu’une sexualité différente. Damian Barr nous emmène en trois parties à la rencontre de deux histoires et deux époques. L’une, en 1901 au coeur de « camps de réfugiés » pendant la Seconde guerre des boers qui a vu mourir de très nombreuses femmes et nombreux enfants prisonniers de ces endroits atroces. Et l’autre en 2010 en compagnie d’un jeune garçon sensible que son beau-père veut voir devenir un homme, un vrai (hum…). Ces deux récits, tout aussi passionnants l’un que l’autre, éclairent non seulement un pan de l’histoire que nous ne connaissons pas du tout dans nos pays, mais aussi un pan du présent terrifiant sur lequel il faut évidemment continuer d’alerter, à savoir les camps de « conversion » et le nationalisme xénophobe. Je regrette cependant que l’articulation de ces deux récits soit aussi mince. Certains détails font lien entre les deux mais il n’y pas vraiment de résonance entre l’un et l’autre et, hormis l’atrocité de ces lieux, il me semble difficile de comparer les deux camps. Pas d’alternance non plus du coup entre les époques, la première partie se concentrant sur 1901, les deux dernières sur l’histoire de Willem. J’avoue que j’espérais un peu plus de connexions même si ça ne m’a pas empêché de dévorer ce livre. J’ai juste eu le sentiment de lire deux histoires distinctes au lieu d’un seul roman.

« Parfois je me dis que rien n’est censé vivre par ici, pas même nous. Mon petit potager peut disparaître en une heure si les sauterelles s’y attaquent. Les moutons tiennent bon mais si les pâtres n’étaient pas là pour leur brûler les tiques, ils ne tarderaient pas à s’effondrer dans la poussière. Et pourtant, nous sommes encore là.»

Des personnages touchants 

Damian Barr, pour ce premier roman, nous offre un récit à l’écriture agréable et assez captivante.  Une fois le prologue passé, il devient vite difficile de stopper la lecture. Les personnages principaux de chaque époque y sont bien sûr pour beaucoup. Difficile de ne pas s’attacher à Sarah et Willem qui sont plutôt bien écrits et approfondis. L’auteur joue de cet attachement pour créer un suspens qui fait lien entre les deux récits. On espère que chacun.e réussira à s’en sortir même si on se demande à quel prix… Je regrette cependant, vu l’ancrage en Afrique du sud et la question du racisme (apartheid, élection de Mandela, etc.) en toile de fond, que l’on n’ait aucun point de vue de personnages noir.e.s. Certain.e.s sont pourtant bien présents dans le roman mais leur histoire n’est jamais abordée et ne permet donc pas de saisir tout l’ampleur que cela a pu avoir sur leur communauté dans l’histoire du pays (j’ai compris certaines choses uniquement à partir des notes de l’auteur en fin d’ouvrage ce qui est bien dommage car ce serait passionnant). L’auteur étant blanc, je pense qu’il n’a pas voulu trahir une histoire qui n’est pas la sienne. Il n’empêche que Tout ira bien est un roman passionnant et que Damian Barr est un auteur très prometteur.

En bref, Tout ira bien a été une lecture captivante. Les personnages principaux sont attachants, et leurs histoires tragiques sont aussi passionnantes que pleines d’enseignements. J’aurai peut-être souhaité plus d’interactions entre les deux époques mais ça ne m’aura pas empêché de dévorer et d’adorer ce roman. Pour rappel, il sort en librairie de 27 août prochain.

« 1901. Afrique du Sud. Une guerre sans merci oppose l’armée britannique et les premiers colons. Sarah van der Watt et son fils sont emmenés de force dans un camp de détention. La dernière chose que voit Sarah, tandis que les soldats anglais mettent le feu à leur ferme, est sa précieuse bibliothèque réduite en cendres. À leur arrivée au camp, le commandant se veut rassurant. C’est pour leur sécurité que les habitants ont été regroupés, on leur assure que « tout ira bien ». Dans les faits, c’est la naissance du premier camp de concentration de l’histoire…

2010. Willem, 16 ans, ne veut qu’une chose dans la vie, rester seul avec ses livres et son chien, et demande qu’on lui fiche la paix. Inquiets pour lui, sa mère et son beau-père l’envoient au camp « Aube Nouvelle », où on accueille des garçons pour en faire des hommes. Virils. Ici, lui assure-t-on, « tout ira bien ».»

(Photographie de couverture: © Erik Lindekamp / EyeEm / Getty Images - Graphisme: © Rémi Pépin)

[Diversité: pp gay, ps noir.e]