Tonnerre après les ruines

Nouveau roman de Floriane Soulas après le très bon Les oubliés de l’Amas, lauréat du Prix Utopiales, Tonnerre après les ruines est un récit post-apocalyptique publié aux éditions Argyll le 7 octobre dernier. Étant une grande amatrice du genre et appréciant de plus en plus les écrits de l’autrice, ce titre constituait pour moi un parfait combo de tentation. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Férale contempla la dévastation autour d’elle. La forêt qui mangeait les hommes et les monstres, sans distinction. Le feu rougeoyant incapable d’éloigner la grisaille. La cendre qui voletait autour de leurs chevilles comme des chaînes invisibles.»

Effondrement écologique, mutations et cannibalisme

Floriane Soulas, comme toujours, nous propose ici un univers riche et cohérent qui se dote en plus d’une certaine originalité pour un récit post-apocalyptique. Sans nécessité d’expliquer l’effondrement de la société pour le rendre crédible, l’intrigue nous révèle un monde en proie à un effondrement écologique, une terre qui semble stérile, des pluies à l’acidité menaçante et une faune qui, par de très probables effets radioactifs, à muter vers des créatures terribles. L’humanité survivante est elle-même en proie à ces mutations et dévorée par les maladies qui semblent la conduire à une fin inexorable. Le décor est sombre, glaçant, porté par du body horror très visuel via une écriture très organique mais aussi très animale. Ce récit post-apo renoue en effet, tant dans son intrigue que dans son ambiance, avec une forme d’animalité saisissante, exacerbant les sens mais aussi l’intensité de l’ensemble. Un univers post-apo original donc mais surtout formidablement dense. Le roman ne s’encombre pas pour autant de longueurs ni de trop d’informations, dévoilant habilement et progressivement son monde et les mutations évidentes de notre société, tant dans l’explosion de ses aspects abjects que dans l’exacerbation d’humanité qui peut en ressortir comme une note d’espoir au milieu d’un bourbier de sang et de cendre. Et j’ai trouvé ça formidable !

« Être ici, à Tonnerre, c’est se renier. C’est renier la plaine, la vie dehors, c’est croire que la mort ne peut plus vous atteindre alors que tout cette ville, si précieusement enfouie sous terre, n’est érigée que sur des cadavres. Les cadavres de ceux qui l’ont construite, de ceux qui l’ont hantée et continuent de le faire. Les cadavres de tous ceux qui espèrent y entrer, sans savoir que rien de mieux ne les attend sous la surface. La même mort, le même désespoir, mais embaumés de senteurs florales. »

L’avenir s’écrit au féminin

Comme toujours aussi avec l’autrice, le roman s’écrit au féminin avec deux héroïnes à la fois bad ass et terriblement faillibles, marquée tant du sceau du doute que de celui du courage. Que ce soit la fière et revancharde Lottie, faussement solide et protectrice ou Férale, rejetée pour ses mutations comme un monstre mais incroyablement plus humaine que la plupart des protagonistes du récit, il est impossible de ne pas s’attacher à ces deux femmes que le monde malmène mais n’éteindra jamais. Elles sont une parfaite illustration de l’importance des liens, de l’amour qui ne dépend pas du sang et des valeurs qu’on peut encore sauvegarder même dans un monde qui est prêt à tout pour survivre. Tonnerre après les ruines est une forme de récit d’émancipation, de quête d’identité pour enfin être soi alors que toute la société tente de vous assigner à être ce que vous n’êtes pas. C’est un cri puissant pour la liberté, tant physique que mentale, qui nous submerge tel un orage. Il y a une intensité émotionnelle puissante dans ce récit qui est à l’heure actuelle mon roman préféré de l’autrice et qui, je le sais, me marquera longtemps.

« La Cendre plutôt que Tonnerre.»

En bref, c’est un vrai coup de foudre que j’éprouve pour Tonnerre après les ruines. L’univers post-apocalyptique proposé par Floriane Soulas est original et riche et ses héroïnes sont absolument inoubliables, en particulier Férale qui apporte à l’ensemble une humanité magnifique. Le roman est haletant, maintenant sur plus de 500 pages une histoire solide et accrocheuse où résonne un cri d’amour pour la liberté et pour la force des liens malgré un contexte terrifiant de cruauté où tout semble bon pour la survie.

« Dans un monde en déliquescence rongé par les difformités et les maladies, Férale est un monstre – du moins, les autres l’ont toujours traitée comme tel. Tous, sauf Lottie, qui l’a sauvée et lui a appris à survivre à travers les plaines de cendre. Ensemble, elles protègent les quelques caravanes qui rallient encore les derniers bastions de l’humanité.
Jusqu’au jour où Férale entend parler de Tonnerre, une cité close où des chercheurs travailleraient à comprendre les mutations génétiques, et mieux, à les guérir. Là-bas, il y aurait aussi des gens comme elle, dotés d’yeux jaunes et poussés par une faim… insatiable. Et si dans un premier temps Lottie refuse de gagner la ville qui l’a vu naître, fuyant un passé qu’elle préfèrerait oublier, les événements vont en décider autrement.
Des ruelles poisseuses d’un gigantesque bidonville aux entrailles froides d’un complexe scientifique, les deux femmes vont croiser les différentes factions en place, autant de visages d’une humanité qui, au milieu des décombres, aspire plus que jamais à trouver sa place…»

(Illustration de couverture : © Xavier Colette)

[Diversité: pp noir.e, ps noir.e]

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- Livre reçu en service presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. - 

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