La méduse

Publié cette année aux éditions Pow pow, La Méduse est un roman graphique de l’autrice et dessinatrice québécoise Boum. Immédiatement conquise par l’esthétique graphique de la couverture, c’est le résumé, simple mais interpellant qui m’a poussé à lire cette BD qui commence à faire un peu de bruit avec l’obtention de quelques prix outre-Atlantique. Voici ce que j’en ai pensé…

« Je suis enfant unique.

Mes parents m’ont toujours mis tellement de pression pour que je réussisse à l’école, pour que je devienne neurologue ou biologiste, je sais pas trop. 

Quand j’ai lâché l’université pis que je suis devenue libraire… ils m’en ont tellement voulu. 

—Mais c’est une belle vocation libraire.

Tu diras ça à ma mère. »

Un récit doux-amer

La Méduse c’est l’histoire d’Odette, libraire, autonome malgré les pressions parentales. Mais aussi jeune adulte queer, qui débute une relation amoureuse avec une cliente de la librairie et passe de bons moments avec ses amis. Odette devrait être parfaitement heureuse mais un petit élément envahit peu à peu son existence: elle a une méduse dans l’oeil, et cette dernière grossit. La Méduse est une histoire multiple, celle d’un récit de vie et d’émancipation où une jeune adulte tente de s’affirmer dans son existence, celle d’une amitié sincère et forte et celle d’une jolie romance naissante qui apporte légèreté et douceur. Mais c’est surtout le récit de l’arrivée d’un handicap ou d’une maladie invisible dans une existence qui s’en trouve chamboulée. Le choc que cela produit, le refus et la colère que l’annonce peut engendrer et l’immense peine de ce poids à porter avec le paradoxe entre la volonté de taire la situation pour ne pas la rendre réelle mais également la nécessité d’en parler pour être comprise. Avec cette bande-dessinée, Boum exprime avec une justesse incroyable toutes ces émotions et l’importance d’accepter l’aide de celles et ceux qui nous entourent pour y faire face et ne pas sombrer. Sans jamais tomber dans la mièvrerie, c’est un récit doux-amer d’une beauté sincère pour laquelle l’autrice, ayant elle-même perdu l’usage d’un œil, semble livrer ce qui l’a traversé et nous touche en plein coeur. Et le résultat est une sacré claque.

Un récit immersif

Le style graphique de Boum empreinte à l’esthétique manga jusque dans son choix d’offrir une oeuvre en noir et blanc. Tout en nuances, son dessin apporte à la fois une douceur supplémentaire au récit mais aussi une intensité émotionnelle plus grande. C’est non seulement très beau mais également très immersif. Par la représentation visuelle concrète de la méduse autour d’Odette, nous nous trouvons confrontés concrètement à ce qui lui envahit l’existence. Le fait que ces méduses envahissent peu à peu l’image est une magnifique manière de nous faire saisir la situation de dégénérescence oculaire et de nous mettre en empathie avec Odette, renforçant l’émotion que le récit provoque. C’est à la fois simple et terriblement intelligent, comme beaucoup d’éléments narratifs du récit, notamment les pages où le silence participe au choc. Malgré la dureté de l’histoire, Boum réussit toujours à verser de la lumière dans son récit, parvenant même à nous faire rire et sourire. Et les dialogues retranscrivent joliment l’ancrage québécois, apportant pour nous en Europe, une sonorité plaisante lorsqu’on parcourt la BD. Un savant mélange entre sincérité touchante du propos et douceur des émotions. Entre ombre et lumière, La Méduse est un joli coup de cœur. 

En bref, je suis totalement conquise par ce récit doux-amer d’une beauté incroyable où la sincérité et la justesse du propos ne tombent jamais dans la mièvrerie. La Méduse réussit à nous faire comprendre la difficulté d’accepter une maladie ou un handicap invisible dans une existence qui commence seulement à prendre son envol. Mais c’est aussi un récit tendre qui nous parle d’amitié et d’amour lesbien avec beaucoup de douceur. Grand coup de cœur.

« Odette a une méduse dans l’œil, qu’elle seule peut voir.
Une méduse qui se multiplie.

Avec un petit appartement à elle seule, un emploi stable qui lui plaît et un béguin pour une cliente de sa librairie, on pourrait croire qu’Odette a tout pour être heureuse… mais une méduse apparaît dans son œil et vient chambouler sa vie.»

(Illustration de couverture & extrait: © Boum)

[Diversité: pp lesbienne, ps lesbienne, pp aveugle, ps gros.se]

Alcool, Cigarette, Dépression, Nourriture, ...

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