Ymir

Publié fin septembre 2022 aux éditions Le Bélial’ sous une traduction de Pierre-Paul Durastanti, Ymir est un roman de Rich Larson qui le décrit comme un Beowulf cyberpunk. Curieuse de découvrir l’auteur et ce roman, j’ai d’abord été attiré par sa sortie avant de craindre un peu sa lecture à la découverte de plusieurs abandons parmi les blogopotes. J’ai donc mis un peu de temps avant d’oser me lancer et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci aux éditions Le Bélial’ pour cet envoi surprise en 2022. Et pour la patience aussi… ]

« Dehors, il garde le menton de sa mandibule plus haut que le menton de n’importe quel vis-à-vis. Il voûte le dos, carre les épaules, occupe son volume telle une géante gazeuse, grossissant son corps autant que possible. Dedans, là où nul ne le voit, il se fait toujours petit.»

Noir c’est noir

Ymir est un roman glauque. Beaucoup de critiques le disent, pas mal d’abandon étaient pour cette raison aussi. Il est vrai que l’univers et l’histoire de ce roman ne transpirent pas la joie de vivre mais baignent au contraire dans une ambiance poisseuse de sang, de rancœur et de violence. Au programme: de l’addiction, des états comateux, des tripes et du gore, dans une zone bousillée par une mégacorpo toxique qui maintient un climat de soumission forcée bien malsain. Et au milieu de tout ça, une histoire de frangin douloureuse teintée de haine, celle de deux êtres à qui la vie n’a jamais fait de cadeau et qui se sont construit dans un climat de colère et de rejet qui ne peut que marquer durablement. La planète Ymir pue la misère et la révolte entre inégalités sociales, joug des colons et travail forcé. Si on y rajoute les modifications corporelles bien vénères, on a entre les mains un roman qui n’est pas sans évoquer des ambiances à la Alterned Carbon. Alors oui, c’est noir et l’intrigue tend un peu à s’enliser dans cette ambiance. Mais comme les chapitres sont courts, j’ai enchaîné les pages à un rythme soutenu puis conquise par la surprise du sursaut d’humanité dans le dernier tiers du roman. 

« L’entrée de Polaire 7 surgit droit devant. Il sait pourquoi les mineurs l’appellent la Gueule, mais, cette fois, il voit bien la ressemblance. La glace déchiquetée qui entoure l’orifice du tube de descente devient une dentition pointue, et le trou lui-même un gosier. 

Yorick entend à son oreille la voix de Linka. Vous voulez savoir qui dévore qui? Il pense à sa mère et à son frère, voûtés et abîmés par leurs années de mine. 

Le glisseur plonge.»

Une mission en Enfer

Ce roman nous propose de suivre un agent de compagnie désabusé envoyé face aux démons de son passé pour une mission: tuer un grendel. Une créature des Anciens qui massacrent les mineurs et soulève un nouveau vent de rébellion parmi les travailleurs de l’Entaille. Une plongée brute dans un monde cyberpunk dont on doit saisir les codes au fur et à mesure. Un univers dont les détails ne seront jamais totalement expliqués mais dont on comprend pourtant suffisamment les tenants et les aboutissants pour ne pas être perdus. Parce que ce n’est pas ça qui importe. Ce qui importe ce sont la critique sociale, la réflexion sur la colonisation et la liberté en toile de fond, ainsi que la guerre fratricide destructrice qui constitue la ligne conductrice du roman. Dans un monde où tout le monde s’entredévore, malgré la froideur apparente, les sentiments ne sont que plus exacerbés et ne laissent pas indifférents. Ils m’auront saisi à la gorge à la fin de le lecture, me faisant un peu oublier les longueurs et la noirceur.

En bref, Ymir est un roman à l’ambiance poisseuse de sang et de misère qui transpire la violence et la douleur. Roman cyberpunk à la Alterned Carbon, il se fait aussi critique sociale en toile de fond dans une intrigue de guerre fratricide où l’humanité se cache sous une couche de désespoir. C’était surprenant, perturbant et glauque, mais je l’ai dévoré sans peine par des chapitres s’enchaînant à un rythme soutenu. 

« Ymir est un monde de glace.
De violence et de douleur.
Un monde que Yorick connaît par cœur puisque c’est le sien.
Un monde qu’il déteste.
Et pourtant il lui faut y retourner pour y chasser un monstre.
Un grendel. Une créature des Anciens…
Mais il sait que sur Ymir il y a bien pire que le grendel.
Il y a celui qui lui a arraché la mâchoire vingt ans plus tôt — son frère.
Et sous les glaces d’Ymir, sous la rancœur et la haine, la révolution couve…»

(Illustration de couverture : © Pascal Blanché)

D’autres avis dans la blogosphère: Au pays des cave trolls, Ombre bones, L’épaule d’Orion, La grande bibliothèque d’Anudar, Le nocher des livres, Le dragon galactique, Le syndrome Quickson, …

[Diversité: ps noir.e, ps non-binaire, ps malade - vitiligo ]

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[Lecture n°4 (4/84 points avec les bonus pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 11 de Ma lecturothèque]