Les sentiers de Recouvrance

Les sentiers de Recouvrance est le troisième roman d’Émilie Querbalec à paraître aux éditions Albin Michel Imaginaire. Alors que j’avais beaucoup aimé les idées et la plume de l’autrice dans Quitter les monts d’automne, il me tardait de découvrir ce nouveau-titre qui s’ancre dans un effondrement écologique aux côtés de deux personnages adolescents. Il est sorti le 17 janvier et voici ce que j’en ai pensé…

« La vérité, c’est que la réalité pouvait se scinder en deux à n’importe quel moment, avec d’un côté les évènements réversibles, et de l’autre ce qui ne serait jamais plus pareil. Tels deux plans qui se séparent, et qui rien ne pourra plus réunir.»

Une surprenante échappée au bord du monde

Tout débute par l’histoire de deux ados face au monde. L’une vit en Espagne dans un climat et une économie qui périclitent et elle doit affronter un deuil qui bouleverse son avenir. L’autre vit en France et ne cesse de rêver des incendies qui ravagent les forêts, désabusé par la vie de tous les jours qui s’impose à lui malgré la ruine écologique qui semble les entourer petit à petit. Deux destins qui s’enchaînent dans de courts chapitres mais laissent, par instants, quelques graines de questions et quelques faits étranges sur notre chemin. Deux destins qui traduisent autant un effondrement écologique et économique que la beauté inhérente du monde. Deux destins d’ados en mal de vie qui cherche un but à leur existence quand tout s’effondre. Jusqu’à la surprise. Émilie Querbalec nous l’a déjà prouvé, elle maîtrise les retournements narratifs. Elle le démontre une fois de plus en changeant complètement l’histoire au milieu du roman. Mais sur ça, je ne vous dirais rien de plus. D’abord déstabilisant, le changement permet non seulement d’éclairer nos zones de doutes sur la première partie et de renforcer encore plus l’humanité qui se dégage du texte. Car sous la toile de fonds de l’écologie, c’est aussi la difficulté de jeunes à garder espoir et à se relever quand tout pousse au désarroi que l’autrice écrit dans ce roman. Le parallèle entre la guérison de ces ados et celle de la nature est particulièrement poétique et donne au roman une beauté lumineuse au milieu des ténèbres.

« Il avait déconné, c’est vrai. Mais il avait aussi essayé, sincèrement, de composer avec ce qu’on attendait de lui. Le bon élève, le bon fils, les bonnes études, la bonne place dans la société. Sauf que les nouvelles qui affluaient chaque jour s’enfonçaient sous son crâne, la pollution au plastique et les hommes exploités dans les mines, les particules fines et les pluies acides, la disparition des oiseaux et les rivières asséchées, la guerre, la malnutrition rampante, les forêts en flammes comme un hurlement sans fin. Il ne pouvait pas faire comme si tout n’existait pas.»

Effondrement et espoir

Bien que parlant de la crise écologique majeure qui nous attend très probablement, Les sentiers de Recouvrance n’est pas pour autant totalement sombre. Parce qu’Émilie Querbalec y verse aussi beaucoup d’espoir en présentant, tout au long de cette histoire, diverses alternatives et solutions écologiques qui permettraient de limiter les dégâts. Sans pour autant se voiler la face sur la bêtise humaine et la course au profit, source d’aberrations, elle laisse fleurir ici et là des idées lumineuses qu’elle a pu glaner dans ses recherches et qui sont autant de lueurs d’espoir pour nous comme pour ses personnages. Ce roman c’est aussi un cri d’amour pour la nature qu’elle décrit sous une plume superbe et envoûtante. Cri d’amour aussi pour cette jeunesse consciente des problèmes à laquelle redonner de l’espoir n’est pas une mince affaire. J’ai été particulièrement émue par Nas dont l’histoire et l’impossible résilience sont magnifiquement retranscrites. L’ensemble a cependant manqué pour moi d’un quelque chose que je ne parviens pas à définir. Peut-être de quelques repères par instants, quand les contours se flouent. Peut-être d’un peu plus d’instants contemplatifs qui sont toujours si bien écrits. Il n’en reste pas moins que le roman m’a surprise et qu’il m’a émue aussi par sa délicatesse dans la manière d’aborder le mal-être des ados avec autant de justesse.

En bref, Les sentiers de Recouvrance est un roman surprenant qui nous propose une échappée dans un monde qui s’effondre tout autant que le récit de deux ados en mal-être au cœur cet effondrement. Proposant aussi des alternatives écologiques et chargé d’une humanité sincère, le roman laisse aussi fleurir l’espoir. Bien que déstabilisée par instants par ce roman inclassable, j’ai trouvé cette ballade belle et touchante.

« 2035. Ils s’appellent Anastasia et Ayden. Ils ne se connaissent pas, mais leurs chemins seront amenés à se croiser. Anastasia a grandi dans une Espagne qui subit de plein fouet les consé-quences du réchauffement climatique. Après la mort accidentelle de son père, elle assiste, impuissante, au naufrage de sa mère. Ayden, lui, a appris à ses dépens qu’à trop jouer avec le feu on se brûle. Laissant derrière eux leurs existences brisées, chacun prend en solitaire la route de la Bretagne pour l’île de la Recouvrance où les attend l’espoir d’une vie meilleure.»

(Illustration de couverture: © Aurélien Police)

[Diversité : pp latine, pp handicapé.e physique - membre artificiel, pp handicapé.e physique - en fauteuil roulant, ps noir.e]

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- Livre reçu en service presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. - 

D’autres avis dans la blogosphère: Les lectures du Maki l’a trouvé très poétique, L’épaule d’Orion le voit comme une étape franchie pour l’autrice, Lorhkan a beaucoup aimé ce roman qui laisse une trace, Les blablas de Tacha a été surprise et charmée, Le nocher des livres a été transporté, Au pays des cave trolls y a puisé de l’espoir, La Geekosophe a beaucoup aimé, Feygirl a été touchée par cette ballade poétique…

[Lecture n°4 (5/60 points avec les bonus pour l'échelon 4 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 12 de Ma lecturothèque]