La ville au plafond de verre

Sept années après la publication du tome 2 du diptyque Le sang des princes, Romain Deplancq est revenu en fin d’année 2023 avec un nouveau roman indépendant bien que se déroulant dans le même univers et intitulé La ville au plafond de verre. Publié aux éditions de L’Homme sans nom, il s’agit d’un one-shot de fantasy présenté comme un récit clock-punk de lutte sociale. Voici ce que j’en ai pensé…

« La misère, elle connaissait. Korost faisait les choux gras de la misère depuis cent ans. Korost l’avalait à grandes bouchées et déféquait du verre et du métal. Mais ce qui émergeait depuis ces quelques mois, ce n’était pas de la misère, c’était de la poudre. Un énorme nuage de poudre, prêt à carboniser la ville.»

Une lecture qui se mérite

Alors que mon rythme de lecture chute, je fuis assez logiquement les pavés qui me prennent trop de temps. Aussi, en recevant La ville au plafond de verre et ses plus de 600 pages, j’ai crains de m’y lancer et de ne pas accrocher (d’autant qu’en fantasy, j’ai de plus en plus de mal à trouver mon bonheur). Et je dois avouer que le début de ma lecture n’a pas été pour me rassurer. L’auteur prend le temps d’installer son univers, cette ville bouillonnante qu’est Korost mais aussi le monde dans lequel elle s’insère. Il dresse assez longuement le portrait d’un monde teinté d’inégalités, de traditions et de bouleversements dans lequel évolue plusieurs personnages eux aussi longuement introduits. On enchaîne ainsi de nombreuses pages descriptives qui semblent un peu longuettes malgré une plume fort agréable dans laquelle j’ai apprécié me plonger. Un côté longuet qui se maintient tout de même sur une bonne moitié du roman mais qui instaure des bases solides pour l’intrigue. Romain Deplancq ne laisse en effet rien au hasard, détaillant parfois beaucoup des états de fait politiques et économiques de son univers pour mieux nous plonger ensuite dans son intrigue dont on saisit désormais tout le contexte mais où on se laisse néanmoins surprendre. Quand tout s’assemble dans une belle mécanique, l’histoire prend soudain son envol et ne lésine pas sur les rebondissements, l’émotion et l’intensité. La ville au plafond de verre demande un effort, c’est une lecture qui se mérite, mais cela vaut la peine de ne pas lâcher, croyez-moi.

« On estime rien plus mal que la taille d’un parent: même au soir de leur vie, même recroquevillés, même rabougris par l’âge, on veut les regarder comme on regarde le ciel; toujours présent, et toujours au-dessus.»

Une histoire de lutte sociale

La ville au plafond de verre c’est avant tout le récit d’un monde inégalitaire qui est sur le point de s’embraser. L’intrigue pourrait même se qualifier d’être une allégorie de la Commune de Paris à laquelle l’auteur fait d’ailleurs de francs clins d’œils notamment en faisant référence à la Semaine sanglante qui réprima ce mouvement insurrectionnel. L’auteur remercie également en fin d’ouvrage divers penseurs et penseuses marxistes et socialistes, comme Gramsci, Luxembourg et Weil dont on retrouve en effet dans ce roman beaucoup d’idées développées. Conservant une échelle humaine, La ville au plafond de verre décrit une insurrection ouvrière à travers trois personnages principaux, de la jeune femme de bonne famille qui découvre petit à petit sa ville au jeune d’origine modeste propulsé dans les hautes sphères en passant par l’institutrice clandestine qui à tout d’une grande figure de meneuse militante et qui m’évoque assez naturellement Louise Michel. Trois personnages face à des intrigues de haute ampleur qui se dévoilent à nous une à une dans un final explosif et haletant. Trois personnages et destins brisés par un monde injuste contre lequel, à leur échelle respective, ielles vont lutter et nous toucher. L’aspect fantasy s’oublierait presque derrière cette histoire communarde qui nous emporte par son intensité et l’émotion véhiculée par le destin de personnages sacrément bien écrits, y compris les personnages secondaires. Mais la magie et son lien avec les technologies confère un petit plus à cette histoire et nous réserve des retournements de situation très réussis. On ressort de cette lecture avec une soif de lutte au creux du ventre et le satisfaction d’avoir été au-delà des longueurs du début. 

En bref, La ville au plafond de verre est une lecture qui se mérite. Un peu trop longuet sur sa première moitié, le roman propose un univers richement détaillé et des personnages très bien écrits et instaure progressivement une intrigue de lutte sociale qui nous évoque la Commune de Paris. Intense et émouvant, le final explosif du roman nous tient en haleine et constitue une belle récompense à l’effort nécessaire au début du livre. 

« Korost bouillonne.

Dans la capitale économique de l'ancien empire des Trois-Terres déjà noircie par la fumée de ses verreries, on sent désormais la poudre des arquebuses. Ses rues regorgent de blessés de guerre et de réfugiés. La cité crépite de tension entre ses très nombreux et très pauvres verriers et les riches et savants forgiers, propriétaires de l'arnoire – le mystérieux métal capable de transformer les rayons du soleil en énergie. L'alliage de leurs sciences a bâti la renommée de Korost ; leur rivalité préfigure son explosion.

Dans ce chaudron vivent Enik l'institutrice, Istven le jeune orphelin,et Katlik, la soeur éplorée. Trois vies, trois destins emmêlés dans l'échevau de fils tissés par les jeux de pouvoir de la ville. Trois mèches allumées qui, peut-être, transformeront la poudrière en bombe.»

(Illustration de couverture : © François-Xavier Pavion)

- Livre reçu en service presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. - 

[Diversité: pp noir.e, ps gay]

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D’autres avis dans la blogosphère: Chez Le Bibliocosme on est totalement conquis, chez SyFantasy on a aimé même si on a trouvé le roman longuet, Les fantasy d’Amanda a eu un coup de cœur immédiat, Carolivre n’a pas accroché…

[Lecture n°2 (3/60 points avec les bonus pour l'échelon 4 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 12 de Ma lecturothèque ]