Envol

Premier roman traduit en français de l’autrice australienne Kathleen Jennings, Envol est un récit gothique publié aux Moutons électriques dans la collection La Bibliothèque Voltaïque. Présenté comme le croisement entre de la fantasy urbaine imprégnée de légendes locales et de l’horreur gothique, c’est un titre qui avait retenu mon attention à sa sortie en septembre dernier. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Si l’ont était née Runagate, avec toutes ses fragiles convenances, sa civilisation bien arrangée, son périmètre de routes et d’enclos, de fils de fer et de sang, il n’y avait rien d’autre que les arbres dans le monde au-delà.»

Dans les méandres des plantes-lanternes

Quand on commence Envol, la première chose qui nous frappe c’est son écriture. Lyrique, travaillée, élégante et signifiante à plusieurs niveaux, la plume de Kalthleen Jennings retranscrite en traduction est un régal. Elle nous emprisonne rapidement dans ses filets, quitte à malmener nos repères et à nous égarer dans les méandres des mots comme on se perd au cœur de massifs de plantes-lanternes. C’est poétique et en même temps rude, à la lumière du bush australien qui nous sert de décor. L’ensemble est ainsi bercé de légendes et de mythes locaux du Queensland où les ombres contiennent des créatures étranges, où le vent charrie d’étranges malédictions et où les monstres s’installent à votre table. C'est toute une mythologie aborigène qui nous est proposée de découvrir dans les interstices de cette histoire. L’ambiance globale en est particulièrement réussie. Cet ancrage australien apporte pour nous, francophones, une originalité au récit gothique, perturbant nos repères culturels pour une errance pleine de surprises. 

« Ces histoires, ces souvenirs, tournaient en boucle autour d’Inglewell, une clôture aussi rouillée et implacable que n’importe quelle autre. Comment peut-on penser à abandonner ses disparus, ses morts? Et si on part, peut-on vraiment partir à jamais? »

Histoires de famille

C’est dans ce contexte que nous suivons Bettina, jeune femme modèle sous tous rapports, s’occupant de sa mère depuis la disparition de son père et de ses frères et qui, soudain, reçoit un courrier qui pourrait émaner de l’un d’eux. Mystérieuse, l’intrigue ne se dévoile à nous que par petites couches, entrecoupées d’histoires locales fantastiques qui déroutent la narration et lui font prendre des chemins toujours plus sinueux. Kathleen Jennings nous égare parfois dans ce chemin qui dévoilent des secrets de famille mais aussi les vérités qui se cachent dans le passé local. Je vous avoue avoir un peu peiné à la lecture lorsque rien ne me permettait de saisir où l’autrice nous emmenait. Le voyage avait beau être agréable à lire, le manque de repères et la narration pleine de zones d’ombres m’ont laissé perplexe une bonne partie de ma lecture. D’autant que les révélations, quand elles nous parviennent enfin, sont elles aussi plutôt déroutantes et demandent une suspension d’incrédulité que je n’avais pas anticipé. Mais l’ensemble est néanmoins une découverte intéressante, marquante à plus d'un titre et qui qui m’aura donné envie d’explorer un peu plus les mythes australiens.

En bref, Envol est un roman à la plume formidable qui nous propulse au cœur des légendes australiennes pour un récit gothique teinté de secrets de famille, de fantastique et de monstruosité. Cependant, la narration mystérieuse et le manque de repères m’ont égaré parfois un peu trop dans la lecture pour que le plaisir soit pleinement au rendez-vous.

« Dans une petite ville du bush australien, une jeune femme réservée reçoit des nouvelles de l'un de ses frères disparus — un mot qui l'amène à questionner sa propre mémoire de leur disparition et du départ de leur père.»

(Illustration de couverture: © Kathleen Jennings)

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[Lecture n°56 (60/84 points avec les bonus pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 11 de Ma lecturothèque]