California Girls

L’année 1969, en Californie, a été marquée par les meurtres sordides perpétrés par les adolescents de la « Famille Manson », notamment par le quintuple meurtre chez Sharon Tate et Roman Polanski. Simon Liberati, auteur habitué des histoires vraies, publie chez Grasset le roman des 36h sordides au coeur de la secte de Manson sous le titre California Girls, dans la collection « Ceci n’est pas un fait divers ».

Physiquement éprouvant, troublant, intéressant. J’ai un peu de mal à dire que j’ai aimé ce livre, comme si j’allais passé pour une psychopathe, mais pourtant je ne saurai vous le cacher: cette lecture m’a intrigué, puis captivé, puis vraiment marqué et je l’ai dévoré avec avidité. Je connaissais assez bien les faits pour les avoir étudiés et j’avais vraiment très envie de découvrir un autre regard sur les 36h sordides des Manson (même si j’aurai aimé un balayage plus long dans le temps, notamment sur l’avant pour étudier la manipulation psychologique plus en détail). Les faits sont en tout cas extrêmement bien rapportés malgré le format roman (car oui, c’est un vrai roman) à tel point que les images des crimes et du procès que j’avais étudiés me sont revenues directement à l’esprit (me troublant au plus haut point).

« Il faut cesser d’avoir peur. Tu es une sorcière… Tout est permis… Tuer n’est rien… Mourir n’est rien.»

Sachez, avant tout, que si vous êtes vraiment anti-thriller, anti-sang, anti-angoisse, vous devez absolument passer votre chemin. Moi j’adore ça. Mais pour la première fois, j’ai été physiquement éprouvé par la lecture sur la première moitié. Pas parce que les faits sont sanglants, les descriptions ne sont d’ailleurs pas si si sordides que ça (j’ai lu bien pire!), mais parce que les faits sont réels. Alors que tout semble se dérouler comme dans un vrai thriller, la réalité des choses m’a frappé de plein fouet, me filant la nausée par l’ambiance oppressante. J’ai même eu envie de fondre en larmes à la mort de Steven Parent, qui, pour rappel, n’avait rien avoir avec la maison des meurtres mais était juste de passage chez le gardien au pire moment. Sa mort souvent oubliée derrière la célébrité des autres victimes est celle qui m’a le plus dérangé finalement. J’ai vraiment été troublé de lire ces faits réels sous la forme d’une fiction qui ne fait que mettre un peu plus en lumière le sordide puisqu’il n’y a pas le regard détaché d’un documentaire. 

« Roman lui avait parlé des crimes nazis et des camps de concentration, mais on était à Los Angeles et le fille en noir ressemblait à ces adolescents qui trainent un peu partout sur les plages, prêchant l’amour, les fleurs et la paix.»

L’écriture est fluide et le sujet maîtrisé. J’ai apprécié l’insistance de l’auteur sur la jeunesse et l’aspect physique innocent des bourreaux qui renforce le côté sordide de cette histoire. Le sujet est captivant et pose encore question aujourd’hui avec les embrigadements et les manipulations, sous une autre forme certes, mais avec un résultat similaire. Comment peut-on entraîner de jeunes âmes vers l’horreur à ce point? J’ai également apprécié les quelques parallèles qui étaient faits sur l’après, le procès et la suite des évènements, pour les personnages principaux. J’ai également apprécié le fait que Simon Liberati n’a pas cherché à faire dans la démonstration racoleuse durant les meurtres. Au contraire, les morts sont plus rapidement traitées que le reste, comme avec des pincettes par quelqu’un qui fut réellement troublé, enfant, devant ces faits. 

« […] sur les photos prises par le FBI parce qu’elle a tenté d’assassiner le président Gérard Ford, Lynette Fromme alias Squeaky n’a pas changé, elle a toujours cet air d’oisillon tombé du nid.»

Malgré tout, quelques aspects négatifs ont empêché le coup de coeur (si ce n'est pas la nausée qui m’a bloquée…). A propos des personnages, j’ai été un peu perdue au départ par la multitude de noms et surnoms et je pense que certains lecteurs non-connaisseurs seront encore plus largués que moi. Peut-être aurait-il été judicieux de faire un index des personnages notamment pour les surnoms puisque nous les connaissons essentiellement par leur vrais noms, rabâchés au procès, mais moins par leur nom au sein de la famille Manson. J’ai également ressenti certaines lenteurs après les Tate murders où l’ambiance, qui n’avait pas cessé de s’intensifier, tombe comme un soufflet. Mais cela est aussi lié avec la réalité de l’ambiance au sein de la secte. La seconde moitié m’a tout de même moins convaincue…

En bref, California Girls est un vrai thriller racontant, sous forme de roman, l’horreur réelle qui avait bouleversé l’année 69 et qui captive encore les foules. Je n’en suis pas ressortie indemne mais je ne regrette pas du tout ma lecture que j’ai eu beaucoup de mal à lâcher. 

(Photographie de couverture: © akg-images / Album / M.G.M.

Photo de l'article: Susan Atkins, Patrica Krenwinkel et Leslie Van Houten au procès de la famille Manson)

« En 1969, j’avais neuf ans. La famille Manson est entrée avec fracas dans mon imaginaire.  J’ai grandi avec l’image de trois filles de 20 ans  défiant les tribunaux américains, une croix sanglante gravée sur le front. Des droguées… voilà ce qu’on disait d’elles, des droguées qui avaient commis des crimes monstrueux sous l’emprise d’un gourou qu’elles prenaient pour Jésus-Christ. Plus tard, j’ai écrit cette histoire le plus simplement possible pour exorciser mes terreurs enfantines et j’ai revécu seconde par seconde le martyr de Sharon Tate.»

Bande-annonce du livre: