Mon chien Stupide

Faisant parti des deux romans composant West of Rome (avec The Orgy) sorti aux USA chez Harper Perennial en 1985, Mon chien Stupide est quand à lui né en France en 2002 pour les éditions 10/18. Signé de John Fante, il ironise à merveille la famille américaine et distille un peu plus de son expérience d'immigré italien aux USA.

Burlesque, cinglant, drôle à souhait. Le magistral John Fante continue dans son habituel excès de provocation et remet en question les conventions avec un nouvel avatar. Henry Molise est le profil type de l'homme qui se rend compte qu'il a raté sa vie. Rêvant de liberté il se retrouve père de quatre enfants. Auteur de scénarios télés plus mauvais les uns que les autres, et encore, quand il travaille. Mauvais mari qui ne cesse de perdre et de récupérer l'amour d'une femme. Homme qui rêve de l'Italie et se retrouve coincé en Californie avec les souvenirs de ces chiens qui ont toujours eu plus d'importance que ses propres enfants. Et c'est d'ailleurs un chien qui va animer son existence, entraîné des changements, des remises en question. Et pas n'importe quel chien. Comme on peut s'y attendre avec John Fante, Stupide est un chien pervers, émotionnellement instable, violeur et homosexuel qui souffre d'un manque d'amour maternel qu'il va chercher chez une truie. L'arrivée de Stupide va enchanter notre auteur raté et démanteler l'ensemble de cette famille qui n'a jamais été vraiment unie. 

"Il était un chien, pas un homme, un simple animal qui en temps voulu deviendrait mon ami, emplirait mon esprit de fierté, de drôleries et d’absurdités. Il était plus proche de Dieu que je le serais jamais, il ne savait ni lire ni écrire, et cela aussi était une bonne chose. C’était un misfit et j’étais un misfit. J’allais me battre et perdre ; lui se battrait et gagnerait. Les grands danois hautains, les bergers allemands arrogants, il leur flanquerait une bonne dérouillée, il en profiterait même pour les baiser, et moi je prendrai mon pied."

Encore une fois, l'auteur s'amuse des moeurs et fait rire son lecteur par des scènes hautement burlesques. Malgré tout, derrière l'aspect comique, se cache une profonde peine, une mélancolie sincère et touchante qui saura bouleverser après une relecture du roman. John Fante réussit à parler de choses complexes sous un aspect simpliste. Même si parfois il dérange, cet auteur sait se jouer des tabous et nous entraîne avec force dans son univers bien plus morose qu'il n'y paraît. Il s'agit alors de l'apprécier à sa juste valeur sans s'arrêter sur l'image qu'il veut nous donner en apparence. Quoiqu'il en soit, sa plume acérée et cocasse plairont sans nul doute à toute personne curieuse de lire un auteur américain qui en vaille la peine. Pour ce qui est de la profondeur dramatique, une relecture peut s'avérer nécessaire. Fante réussit avec Mon chien stupide une belle tragicomédie sur différentes crises individuelles avec un savant mélange de compassion, de lucidité et de piquant.

Nous sommes en Californie dans les années 60. Henry Molise, 55 ans, ancien romancier à succès reconverti dans l'écriture de scénarios pour Hollywood, habite une villa dans un quartier chic au bord du Pacifique. Ce nouvel avatar de John Fante est marié et père de quatre marginaux qui le font tourner en bourrique: l'un fume de la marijuana, l'autre couche avec des Noires, le troisième plaque l'université pour s'occuper d'enfants malades, et sa fille fréquente un surfer hippie vétéran du Vietnam! Là-dessus, comme un chien dans un jeu de quille, déboule Stupide, énorme quadrupède libidineux et mélancolique à tendances homosexuelles... Molise le trouve bien sûr irrésistible, au grand dam de son épouse et du voisinage. Pleurs et grincements de dents, départ des enfants, et intervention finale d'une adorable truie appelée Mary...