Le pays des oubliés

Michael Farris Smith se fait le porte-parole des exclus et des êtres esseulés qui errent dans les terres désespérées d’Amérique. Son 4ème roman, Le pays des oubliés, paraît le 17 septembre prochain aux éditions Sonatine et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci aux éditions Sonatine et particulièrement à Muriel pour ce partenariat initié par l’envoi de cet ouvrage.]

« Il la regardait faire le tour de la chapelle conscient que mieux valait ne pas la déranger ni lui demander si quelque chose n’allait pas car ce n’était pas une chose qu’on pouvait expliquer. Juste ce sentiment d’être une âme singulière parmi les vivants infinis et les morts innombrables avec cette terre noire collée à la peau de nos pieds nus.»

Poussière et sang

Dans le Delta du Mississippi, des âmes abandonnées errent et tentent de survivre à tout prix. Par la fuite ou par le sang, tous sont emportés dans une quête insatiable d’un répit qui ne leur est jamais accordé. On y respire la misère, la poussière et la souffrance. Michael Farris Smith nous emporte dans cette terre sans âme, où chacun semble traîner son lot de malheur. Il nous la donne à contempler, par des descriptions jamais pesantes, toujours efficaces et parfois même lyriques. Plongés tels que nous le sommes dans cette noirceur qui écorche vive les êtres, il devient impossible de ne pas s’attacher à ceux qui tentent d’en sortir mais sont empêtrés dans ses filets jusqu’à l’os. Ces personnages que le destin ne cesse de tourmenter, et auxquels on a envie de tendre la main, nous restent en mémoire une fois la dernière page tournée. On aurait envie de les suivre, de les aider encore. Même si l’espoir est mince et la douleur inéluctable.

« Des centaines de kilomètres plats. Des repaires d’esclaves et de soldats. Une terre d’oubliés recouverte de cieux infinis. Entre ses jambes une bouteille de Wild Turkey. Entre ses doigts un fin cigare à embout de bois. Dans le porte-gobelet un café de station-service. Sur le siège passager un sac plastique ouvert contenant deux douzaines de comprimés rouges contre la douleur.»

Douleur et peine

Le pays des oubliés est un lieu de souffrances et de violence. Elle suinte par tous les bords sur cette terre méphitique. Et elle est parfois difficilement supportable. J’avais parfois besoin de respirer, mais comme pour Jack, il n’y aucune possibilité d’y échapper. Malgré cette chape de plomb, l’émotion nous parvient aussi. Les flashbacks nous évoquent des moments apaisés et heureux qui n’ont peut-être pas pu être appréciés pleinement, hantés par des souvenirs douloureux qui jalonnent la vie des personnages. On y perçoit alors l’amour, pure et sincère et les non-dits qui creusent des sillons inutiles de larmes. Il y a de la lumière dans cette nuit éternelle. Malheureusement, la poésie ne m’aura pas conquise autant je l’aurai souhaité. J’étais gênée par un style qui, peut-être par abus de la voix passive ou des phrases courtes, aura un peu entravé mon plaisir de lecture. Le temps passant, je m’y suis habituée, mais jamais sans y adhérer pleinement: question de goût.

En bref,  Le pays des oubliés est un roman à l’ambiance maîtrisée qui suinte la douleur et le désespoir et qui donne voix à des êtres esseulés auxquels on a envie d’offrir un répit plus que mérité. Le style d’écriture m’a légèrement gêné, empêchant une adhésion totale, mais ce fut une vraiment belle découverte de l’auteur. 

« Abandonné à la naissance, Jack est passé d’orphelinats en foyers, avant que Maryann, une lesbienne mise à l’écart par la bonne société de Louisiane, le prenne sous son aile. Aujourd’hui celle-ci vit ses derniers jours et sa propriété est menacée par les banques. Jack, qui veut à tout prix conserver cet héritage, doit trouver l’argent nécessaire. Mais, le corps cassé par une vie de combats, ravagé par de multiples addictions, il ne se sent plus la force d’avancer. D’autant plus qu’il doit aussi affronter Big Momma Sweet, qui règne sur cet empire du vice qu’est le delta du Mississippi.»

> Lire un extrait < (© Sonatine)