Ce lien entre nous

David Joy commence à avoir une renommée dans le genre du roman noir américain. C’est avec son troisième roman traduit en français, Ce lien entre nous, à paraître aux éditions Sonatine que je débute pour ma part sa découverte. Ce roman devait paraître le 25 mars dernier, initialement repoussé en mai, il est finalement annoncé au 3 septembre prochain. Mes excuses pour cet avis finalement très en avance, mais la précommande est ouverte si vous craignez de l’oubliez. Voici mon avis…

« L’empathie, ce n’est pas se tenir au-dessus d’un trou en disant qu’on comprend, l’empathie, c’est avoir soi-même été dans ce trou.»

Misère, violence, destins brisés

David Joy s’inscrit dans la lignée de ces auteurs américains comme Benjamin Whitmer ou Michael Farris Smith qui dépeignent une Amérique sclérosée de misère, à l’ambiance poisseuse de sang et de poussière où la violence finit souvent par l’emporter. Y vivent des êtres aux destins brisés dès la naissance, des rednecks désabusés, dont la vie ne sera jamais vraiment paisible. C’est le cas ici de Dwayne Brewer, un gars un peu paumé qui n’a jamais vraiment connu autre chose que la violence et qui n’a que ça à opposer à la peine qu’il va ressentir. La rage dévastatrice qui tend à briser tout ce qu’elle touche, même des citoyens en apparence bien comme il faut. Le roman dépeint à merveille cette impossibilité d’échapper à sa destinée quand on vit dans cette Amérique désespérée. Bref, vous l’aurez compris, ne vous fiez pas au patronyme de l’auteur car ici, c’est pas vraiment la joie. Et pourtant… Pourtant au coeur de toute ce portrait noir des Appalaches, il y a quelques notes d’espoir, un message sensiblement plus lumineux qui tente désespérément de se frayer un chemin dans le crasse. C’est aussi ça la force de David Joy visiblement: tenter de ne pas complètement sombrer et trouver de la beauté dans le drame social.

« Les larmes ne s’estomperaient que quand quelque chose de plus grand le trouverait. Une seule émotion pouvait masquer ce genre de tristesse, l’unique émotion dont il savait qu’elle était plus puissante que la souffrance. Avec le temps, elle arriverait. Et alors il saurait vers quoi diriger sa rage.»

Une tension maintenue sur le fil

Ce lien entre nous est un bon thriller qui maintient une tension assez soutenue du début à la fin montant crescendo, autant dans la violence que dans l’adrénaline. Bien que le roman contient de nombreux passages plus lents, nécessaires à l’évolution des personnages, la lecture reste captivante par ce maintien de la tension et l’ambiance si travaillée. J’ai d’ailleurs dévoré ce livre en une seule journée! L’écriture très agréable et évocatrice de l’auteur rend en effet la lecture fluide. J’ai tout de même un petit bémol à soulever dans cette pourtant très bonne découverte: la psychologie des personnages n’est pas parfaitement aboutie. Malgré leur complexité et leur relief, il manque un semblant de back-ground, en particulier pour Dwayne, pour comprendre pleinement leur cheminement de pensée et leurs réactions. Je trouve par exemple le personnage du flic plutôt étrange dans son comportement, une étrangeté qui tient malheureusement plus à une incompréhension de son attitude qu’à l’attitude elle-même. Mais cela ne m’aura pas empêché d’adorer cette lecture qui, outre cet aspect, est absolument excellente. Il n’aura manqué qu’un petit quelque chose en plus pour en faire un coup de coeur.

En bref, Ce lien entre nous est un excellent roman noir à l’ambiance maîtrisée. Une plongée dans une Amérique miséreuse et sclérosée de violence au travers d’une histoire de vengeance, de rédemption et de désespoir. Il sort le 3 septembre, notez-le dans vos agendas!

« Caroline du Nord. Darl Moody vit dans un mobile home sur l’ancienne propriété de sa famille. Un soir, alors qu’il braconne, il tue un homme par accident. Le frère du défunt, connu pour sa violence et sa cruauté, a vite fait de remonter la piste jusqu’à lui. Un face à face impitoyable s'engage alors.»