Interview avec Cédric Sire

Cédric Sire (anciennement Sire Cédric) a accepté de me rencontré lors du Festival Trolls & Légendes de Mons pour une petite interview à l’occasion de la sortie de Vindicta, son dernier thriller, chez Métropolis éditions, le 21 mars dernier. Un énorme merci à lui pour sa gentillesse, sa bienveillance et sa disponibilité. 

> Ma chronique de Vindicta <

 

Pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore, qui est Cédric Sire ?

Comme j’ai toujours aimé le dire, j’écris des romans qui font peur ! Les histoires d’horreur ont toujours été ma passion. Sous le nom de Sire Cédric, j’ai publié dix livres, des histoires contenant une part de surnaturel, plus ou moins présente, plus ou moins métissée avec d’autres genres littéraires. De livre en livre, cet aspect fantastique a eu tendance à s’évaporer. J’ai donc finalement changé mon nom pour Cédric Sire afin de marquer cette différence et mon passage à un registre plus ancré dans le réel. J’écris donc toujours de l’horreur et du frisson, mais il n’y a plus aucun surnaturel dans mes histoires. Enfin, je ne me reconnaissais plus dans mon ancien pseudonyme, trop connoté à mes yeux, et aussi aux yeux de nombreuses personnes à qui il donnait la fausse impression que j’écris de la fantasy ou des histoires de vampires !

Alors justement, le côté fantastique ne reviendra plus dans vos livres ou du moins pas immédiatement ?

Immédiatement, sans doute pas, mais oui, le fantastique reviendra sans doute dans mes histoires. Le fait est que je ne me projette jamais à l’avance, je préfère écrire le livre que j’aimerais lire sur le moment, sans me poser de question, en me fiant à mes envies immédiates. Je suis donc incapable de prédire ce que je ferai ensuite ! Je reviendrai forcément un jour à l’étrange et au surnaturel, c’est un horizon riche en termes d’inspiration. Cependant, dans l’immédiat, les idées qui me traversent vont toutes dans un sens très noir, très réaliste. Je continuerai à écrire des histoires de frisson, bien sûr. Le suspense et l’aventure sont les bases de mon univers. De ce point de vue, le fantastique est extension naturelle du registre de la peur, mais pas forcément indispensable non plus. J’espère que les lecteurs qui aimaient les romans de Sire Cédric aimeront ceux de Cédric Sire. J’écris pour divertir les gens du mieux que je peux, cela ne changera pas. C’est ce qui me plaît dans ce métier : je travaille dur pour que le lecteur soit absorbé dès la première page et ne puisse reposer le livre avant la fin. Quand j’arrive à ce résultat, je suis heureux, je considère avoir fait mon travail !

 

Justement, j’avais une question à propos du pourquoi est-ce que vous écrivez. Dans Vindicta, à travers le personnage de l’autrice, vous évoquez que les auteurs écrivent des mensonges pour le plaisir des autres. C’est vraiment le cas ?

C’est exactement ça. C’est la définition de ce métier. Dans chacun de mes livres, il y a toujours eu un peu de moi, distillé au fil des pages, dans les personnages et leurs obsessions. Dans Vindicta, le personnage de l’écrivain, Marie, exprime de nombreuses pensées que j’ai pu avoir moi-même. Un auteur écrit des mensonges pour divertir les gens. On nous paye pour inventer ces mensonges et qu’ils sonnent juste, qu’ils portent davantage de sens que la réalité qui, le plus souvent, n’en a pas. C’est un des aspects fascinants de l’art, car l’art n’a rien à voir avec la réalité. Un roman n’est, en aucune façon, synonyme du réel. C’est un mensonge, un artifice dialogué et soigneusement mis en scène qui évoque la réalité et ses questions existentielles, mais transcendés. Quand le mensonge est bien fait, alors il devient plus profond et plus intelligent que la réalité qui reste, elle, souvent bien confuse ! La fiction est là pour rendre compréhensibles nos vies et leur donner du sens. 

 

Avec Vindicta vous êtes allez vers un roman extrêmement abouti où les personnages sont très nuancés et où la frontière victime/coupable est toujours floue. Finalement, pour vous, les monstres peuvent être n’importe où ?

Vindicta est une histoire de vengeance. Je voulais que ses protagonistes soient comme chacun d’entre nous : ni tout blanc, ni tout noir. Même le tueur à gages du roman n’échappe pas à cette règle. Il est fou de douleur, mais je pense que tous les lecteurs comprendront ses raisons et pourront se glisser dans sa peau, au moins en partie. Et, réciproquement, ses victimes ne sont pas entièrement innocentes non plus. En fait, dans cette histoire, je voulais montrer des personnages qui dérapaient malgré eux, irrémédiablement. Tous se laissent mouvoir par leurs émotions et non pas par leur raison, et finissent par prendre les mauvaises décisions. C’est, selon moi, la raison pour laquelle le monde demeure une spirale de violence sans fin. Et, sans dévoiler en aucune façon la conclusion du roman, disons que j’y mets clairement en scène l’idée que cette bêtise humaine ne s’arrêtera jamais. Quelque part, c’est qui fait de nous des êtres humains. C’était toute l’idée à l’origine du roman. Que nous sommes chacun un monstre, à notre manière.

Vindicta est aussi un roman avec des scènes parfois très violentes, est-ce que vos idées vous empêchent parfois de dormir la nuit ?

Pas du tout. Quand je finis d’écrire une scène très violente, si elle est aboutie et utile à la progression de mon histoire, je suis le plus heureux du monde, au contraire ! Je ne reviendrai jamais assez sur la quantité de travail nécessaire à écrire de la fiction qui fonctionne. Ce qui m’empêche de dormir, ce sont plutôt les journées où je stagne. Quand je n’arrive pas à écrire ce genre de passage de manière convaincante, je sais que le lendemain je vais devoir tout jeter et le réécrire. Mon esprit passe alors la nuit essayer de comprendre pourquoi mon texte ne fonctionne pas, quelle autre approche je pourrais tenter pour que la scène saute au visage du lecteur. Chaque description, y compris celles de massacre ou de torture, doit avoir un intérêt pour l’histoire et son sens global. Je compose chaque chapitre de telle sorte qu’il appelle naturellement le chapitre suivant. C’est ce qui crée le sentiment de fluidité à la lecture, de rythme intense qui n’est pas forcément lié à la précipitation, mais à un sentiment de progression constante, irréversible. Quand j’arrive à contenir ce sentiment d’urgence, je suis aux anges ! J’ajoute que pour ce livre-là, je ne pensais réellement pas aller dans une telle violence, c’est vrai. Mais le livre m’a un peu échappé en cours d’écriture. Les personnages se sont développés de telle manière que le recours à la violence était inéluctable. Vindicta est une escalade. Je ne pouvais pas m’assagir à la moitié du roman. Pourtant, le sang versé ne l’est pas pour assouvir un voyeurisme primaire. Je suis le premier à détester le gore pour le gore. Dans le roman les scènes de torture et de mises à mort illustrent le parcours psychologique des personnages, comme une cascade dans laquelle on serait pris, emportés par le courant sans cesse plus rapide vers une chute sans cesse plus vertigineuse. Si je voulais que le lecteur vive une expérience intense, il fallait qu’il vive le sort des personnages avec eux. 

 

Vous faites figure de lancement pour la nouvelle maison d’édition Metropolis. Est-ce enthousiasmant de se lancer dans cette nouvelle aventure ?

Totalement ! Metropolis est une toute jeune maison qui m’a donné ma chance et m’appuie de toutes ses forces. Son équipe est jeune, passionnée et fait un travail extraordinaire. La couverture de mon roman est superbe, c’est la plus belle que j’ai jamais eue. Tout comme je n’ai jamais eu autant de retours enthousiastes dans la presse, ni été aussi bien représenté en librairie. L’éditeur croit en moi. Il pousse mon roman pour qu’il puisse avoir le maximum de succès. Et, surtout, il m’a offert une liberté totale, que ce soit en termes de création comme pour changer de pseudonyme par exemple !

 

Aimeriez-vous voir vos romans adaptés en film ou série ? Et si oui, lequel de préférence ?

C’est un vieux rêve d’enfant, même si le livre est destiné à être un livre. L’aspect cinématographique de mon écriture est une fin en soi, c’est ma manière d’écrire. Mais il se trouve que mon roman De fièvre et de sang est en cours d’adaptation pour la télévision. Je suis extrêmement flatté et il me tarde de voir ce que cela pourra donner. D’autant plus que les producteurs, réalisateurs et scénaristes m’ont expliqué ce qu’ils comptent faire et à mes yeux leurs idées sont brillantes. Ils ont décidé de rendre la série beaucoup plus subversive et transgressive que ne l’était le livre. Il me tarde sincèrement de voir le résultat. Mais il faudra encore un peu de patience…

Comme vous êtes un amateur de musique métal, et que d’ailleurs à chaque livre c’est un aspect qui revient pour l’un de vos personnages, avez-vous un coup de cœur groupe/album/chanson à nous conseiller de découvrir vivement ?

Toute la discographie d’Alice Cooper qui est un génie de que je vénère, à commencer par le morceau Vengeance is mine qui ouvre Vindicta.

 

Un tout grand merci pour cette interview Cédric Sire. Et bonne continuation dans le monde des histoires qui font peur!

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